Manifeste 2020

Jacques Dubochet

Jacques Dubochet

BUDGET-CLIMAT

Le climat dérape parce que l’humanité déverse dans l’atmosphère en quelques décennies, le carbone que la nature avait enfoui dans les profondeurs de la Terre pendant des centaines de millions d’années. Ainsi, depuis 1880, la Terre s’est réchauffée de 1,2°C. En 1964 et 1992, elle avait déjà pris 0.3° et 0,6° respectivement. En continuant sur cette lancée, nous aurons 2° en 2042 et plus de 8° à la fin du siècle. Cela est impensable. Notre civilisation se sera écroulée bien avant.

Pour limiter l’échauffement à 2° – la valeur au-delà de laquelle les conséquences sont estimées comme insupportables – nous avons encore le « droit » de déverser 1330 Gt (Gigatonne) de CO2 dans l’atmosphère, tout compris. Ceci est le budget-climat dont dispose l’humanité tout entière. C’est notre bien commun. Il est petit. Pourtant chacun peut y puiser à sa guise ; les pays riches ne s’en privent pas.

Actuellement, nous consommons annuellement plus de 40 Gt du budget restant. À ce rythme il sera épuisé vers 2042.

L’humanité se trouve ainsi face à un problème inédit de gouvernance. Le résoudre est urgent et vital. On sait ce qui doit être fait, mais politiquement, nous ne sommes ni équipés ni exercés pour le faire.

Pas tout à fait. Le 16 mars de cette année, face au problème du virus, urgent et grave – il s’agissait aussi de vies humaines, mais notre civilisation n’était pas directement menacée  – notre gouvernement – comme bien d’autres – a pris des mesures qui étaient impensables une semaine plus tôt. C’est un espoir pour la crise de la durabilité et du climat.

Pour cette dernière, les mesures à prendre sont inscrites dans les faits, la nécessité et la sagesse. En particulier, il faut :

  • Introduire très vite un système de rationnement universel du budget CO2.
  • Pondérer ce rationnement de manière à ce que les pays riches et développés qui ont déjà tellement creusé dans le budget montrent le chemin et fassent le gros de l’effort initial.
  • On aimerait aussi que le rationnement soit pondéré au niveau individuel. Par exemple, prendre connaissance du monde est une richesse que l’on n’aimerait pas sacrifier. Ainsi, chacun – s’il ne l’a pas déjà épuisé – pourrait recevoir un « quota-avion ».
  • Créer un organe mondial de gouvernance. L’ONU pourrait-elle être activée à cette tâche ? On peut en douter. La proposition des mouvements de jeunes pour un « parlement du climat et de la durabilité » me semble bien plus prometteuse. Je rêve qu’elle débouche sur un nouveau Rio, qui cette fois emporterait le monde dans un courant salvateur. Le choc du 16 mars y contribuera peut-être.
  • Dans la foulée, on fera ce qu’il faut pour sauver la biodiversité et assurer un avenir durable.

Ainsi, nous étant donné les moyens de gagner la bataille du budget-climat, nous serons en bonne position pour cultiver sans retenue le budget-bonheur. Celui-ci n’est pas limité.