Manifeste 2020
Sergio Rossi

La pandémie du nouveau coronavirus (Covid-19) a induit une crise économique au plan global, qui révèle les défauts et les faiblesses du système économique contemporain. La globalisation et la financiarisation de ce système ont débuté dans les années 1980. Depuis lors, et de manière croissante, les choix privés et publics ont été caractérisés par une vision marchande et individualiste de notre société. L’intervention publique dans le système économique a par conséquent été considérée comme une entrave à la prétendue «loi» mécanique de l’offre et de la demande, censée assurer l’équilibre sur n’importe quel marché. Aussi bien les travailleurs que l’environnement sont ainsi devenus des ressources à exploiter, pour autant que les acteurs économiques qui les exploitent en paient le prix correspondant. De là, le principe du pollueur-payeur a influencé bien des choix de politique économique, comme la taxe sur le CO2 ou la mise en place du marché des droits à polluer – à travers lequel il est possible d’acheter des droits à polluer aux acteurs qui les vendent car ils n’utilisent pas la totalité de ceux-ci.
La crise économique éclatée suite à la pandémie du Covid-19 montre que le système économique contemporain n’est pas viable, ne serait-ce parce que l’Etat doit jouer un rôle majeur pour le fonctionnement ordonné de l’ensemble de l’économie. Cela est désormais évident dans le domaine de la santé, mais également sur le marché du travail et pour assurer la profitabilité des activités économiques de toute sorte. Les lacunes du libre marché sont nombreuses, comme la crise économique actuelle l’a mis en lumière une fois de plus. Pour assurer des débouchés aux entreprises, le secteur public doit mettre en œuvre une politique budgétaire anticyclique, à savoir enregistrer des déficits budgétaires dans les périodes de mauvaise conjoncture, pour récolter les recettes fiscales nécessaires à réduire la dette publique dans les périodes de bonne conjoncture à travers le cycle économique.
Or, les mesures adoptées par la Confédération ne sont pas adéquates pour faire face à la crise économique induite par la pandémie et le confinement décidé par les autorités politiques. Ces mesures négligent la demande sur le marché des produits pour se concentrer sur l’offre, qui plus est avec une mesure (le cautionnement des crédits bancaires octroyés aux entreprises) dont l’efficacité est faible, parce qu’aucune entreprise ne va emprunter si elle ne s’attend pas à écouler la production ainsi réalisée. Il s’agit par ailleurs d’une mesure redoutable lorsque les entreprises empruntent pour placer ces sommes sur les marchés financiers avec l’espoir de gagner ainsi des rentes censées compenser (en partie) les pertes de gain sur le marché des biens et services.
Pour faire face correctement à la crise économique et éviter une grande dépression, il faut adopter d’autres politiques économiques, notamment :
– distribuer à toute personne dont le revenu mensuel disponible est inférieur à 4000 francs des bons d’achat (à dépenser au niveau local) dont le financement peut reposer sur les recettes fiscales récoltées avec un micro-impôt sur le trafic des paiements scripturaux, permettant à tout individu de mener une existence digne et de participer à la vie publique ;
– prélever un impôt sur les gros patrimoines et les revenus élevés, qui ont profité presque de manière exclusive des politiques économiques néo-libérales menées depuis les années 1980 et ont induit la crise financière globale éclatée en 2008 et la pandémie du Covid-19 en 2020 ;
– investir l’argent public dans des activités économiques favorables à l’environnement et qui respectent la dignité des travailleurs, avec l’appui de la banque centrale dont les choix de portefeuille doivent servir l’intérêt général et financer les investissements publics par l’achat des obligations de la Confédération sur le marché primaire.
Les politiques fiscale, budgétaire et monétaire doivent permettre de répondre aux besoins de l’ensemble de la population dans un souci de soutenabilité sociale et environnementale.